Le soleil disparaissait doucement, entre les arbres de la forêt d’Avandir. Les rires, les chants, entouraient la forêt. Il avait fait très beau toute la journée, voir même chaud, si bien que de nombreuses fées étaient encore dehors malgré l’heure tardive. Orion et Gydaella, un couple heureux, ne faisaient pas exception. Main dans la main avec leur fille, ils se promenaient dans l’endroit qui était chez eux, et ce, depuis des années. Ils étaient heureux. Gydaella riait aux éclats à une blague de son époux, alors que leur fille volait sous le regard bienveillant de ses parents. Dans quelques semaines, ils allaient accueillir un petit être sous leur toit. La maman avait hâte. Mais alors qu’ils étaient sur le chemin du retour, prêt à rentrer à la maison, une vive douleur la traversa. Et ce fut la panique. Mais quelques heures plus tard, la terreur avait laissé place au bonheur. Leur deuxième petit trésor venait de voir le jour. Yuna était née.

En grandissant Yuna, devenait une petite fille qui avait toujours le sourire aux lèvres. On entendait souvent son rire à travers la forêt. Elle avait la joie de vivre. Et pour le plus grand bonheur d’Orion et Gydaella, leurs deux petites filles s’entendaient à merveille. Bien sûr, quelques cris fusaient par moment, mais rien de bien méchant. Un soir d’automne, Orion annonça à sa famille qu’il partait quelques jours, en dehors de la forêt. Yuna, très curieuse malgré son jeune âge, voulu l’accompagner ; sauf que son père refusa. Colérique également avec ses deux ans et demi, elle quitta la table. Elle ne voulait pas rester, alors que son père partait découvrir le monde, chose qu’elle espérait depuis toujours. Quand personne ne l’observait, elle allait voler à la lisière de la forêt, espérant apercevoir ce qui se passait au loin. Marchant à travers la forêt, elle inspira pour se calmer. Elle était déjà très têtue pour son âge. Ses pieds faisaient craquer les feuilles, ce qui avait le don de l’apaiser. A la maison, les parents se regardaient. Puis Gydaella se leva, et sortit, pour aller retrouver sa fille. Orion la suivit, après avoir demandé à leur fille de les avertir, si jamais la plus jeune revenait. Ils marchèrent pendant un long moment. Puis ils se figèrent. Un cri venait de déchirer la forêt. Ils mirent plusieurs minutes à réagir, ce qui allait leur couter cher, très cher. Ils déplièrent leurs ailes, mais en arrivant sur les lieux, ils ne trouvèrent que le doudou abandonné de leur fille. Allant chercher d’autres fées, Orion avait un mauvais pressentiment, qui se confirma de longues heures plus tard, après de longues recherches : leur fille avait été enlevée et elle avait disparu.

Le trajet pour Yuna fut long, très long. On lui tenta de lui donner à manger, mais elle ne voulait rien avaler. Elle ne faisait que pleurer, hurlant qu’elle voulait ses parents et sa grande sœur. Après ce qui lui sembla être une éternité, le voyage s’arrêta enfin. Et c’est là qu’elle rencontra un homme. Une balafre cachait son visage. Il avait un regard froid, qui fit frissonner l’enfant. Et pourtant, lorsqu’il esquissa un sourire, cela la rassura. Serrant ses bras contre elle, Yuna n’eut d’autre choix que d’approcher, lorsqu’il lui demanda. Tout en allant dans sa direction, elle regarda les arbres qui l’entouraient. Cela lui rappelait son chez-elle. L’homme, qui paraissait froid, la prit sur ses genoux. Puis il fit signe aux autres personnes de partir, avant d’engager la conversation avec la petite. Au début, Yuna refusa de lui répondre. Puis elle commença à lui parler, doucement, faiblement. Le contact était créé.

Des années plus tard, elle avait bien grandi. Courant sur le bateau, elle grimpa les marches, riant aux éclats. Son frère de cœur la poursuivait, se faisant passer pour un méchant, et la petite le fuyait. Se retrouvant à la barre, elle attrapa les jambes de son père, riant encore plus fort. « Papa ! » Mais elle était incapable d’en dire plus, tellement le rire lui bloquait la gorge. Se retournant, l’homme avait vieilli. Et elle qui avait eu peur au départ de cette cicatrice, ne la trouvait plus effrayante du tout. L’homme attrapa l’enfant de huit ans dans ses bras, et embrassa tendrement son front. « Je t’ai déjà dit de ne pas fuir devant l’ennemi, Alianova. As-tu pris tes leçons ? » Alia secoua la tête. Bien sûr qu’elle les avait prises ! Et en plus, elle avait même désarmé le pirate qui lui donnait les cours. Reposant sa fille, il lui fit signe de retourner s’entrainer. Alia en avait plus que marre. C’était bien beau de taper contre des tonneaux vides ou avec des épées en bois, mais elle voulait se battre, vraiment. Elle ne supportait pas de rester cacher, lorsque son père partait à l’abordage d’autre bateau ! Surtout que Elias, âgé de 13 ans, y allait lui !

C’est à l’âge de 15 ans, qu’elle participa enfin. Et bien sûr, elle en fut ravie ! Mais alors qu’elle revenait d’avoir été faire un tour dans la forêt, car son père s’était arrêté exprès pour elle, elle ne trouva personne sur le pont. Alors, toujours trop curieuse, elle se glissa discrètement dans la cabine personnelle du paternel. Se positionnant silencieusement derrière la porte, elle écouta attentivement. Au départ, ce ne fut que des murmures incompréhensibles, mais bien vite, elle réussit à entendre des phrases complètes et bien réelles. « … Non elle ne sait rien. … Oui tout … Non ce n’est pas parce qu’elle pense être ma fille, qu’elle l’est … dans … Elle se mariera avec Elias. C’est stupide oui de … et croire qu’elle est comme nous, alors que des ailes lui poussent dans … C’était une vengeance sur son père et … » Et s’en fut trop pour Alia. Elle aurait sûrement dû fuir à ce moment-là, mais trop impulsive, elle poussa la porte violemment. Tous les regards se posèrent sur elle. Et avant que quiconque puisse réagir, elle se jeta sur celui qu’elle pensait être son père, un couteau appuyait contre sa gorge, faisant légèrement couler le sang. « C’est toi qui m’a appris à ne pas être faible. » Et elle leva la main, prête à le blesser. Mais des bras la ceinturèrent. Pendant quelques secondes, elle croisa le regard de l’homme et elle espéra qu’il allait intervenir. « Jetez-la dans les cages. »

Elle y resta un long moment. Elle s’affaiblissait de ne pas voir la forêt, de ne pas manger, de ne plus être libre. Heureusement, on l’emmena dans la forêt, après ce qui lui semblait être une éternité. Ses poings et pieds étaient liés, mais enfin, elle respirait. Sauf que le cauchemar allait continuer. Son père, enfin si elle pouvait l’appeler ainsi encore, avait ordonné qu’on la rappelle à l’ordre. Elias, qui n’osait croiser son regard, dénuda son dos, et la frappa. Elle hurla de douleur, mais ça ne lui fit rien. Alors elle se mit à insulter l’homme, de tous les noms possibles et inimaginables. Et cet enfer recommença dès qu’elle posait un pied dans la forêt. On ne lui laissait déplier ses ailes que lorsqu’on était sûrs qu’elle ne puisse pas s’enfuir. Son dos fut meurtri. De longues cicatrices s’encrèrent sur la peau de son dos. Et à force des mois, elle comprit enfin ce que signifiait la barbarie des pirates.

Il y a un peu plus d’un an, milieu an 27, elle réussit à dérober les clés de sa cage à Elias, alors qu’il la reconduisait sur le bateau. Elle ne sut jamais s’il l’avait fait exprès ou non. Mais alors que la nuit était tombée, elle réussit à fuir. Ses pas étaient douloureux. Arrivant en ville, une femme la trouva. Elle vendait son corps. Mais en voyant l’état d’Alia, elle la soigna, lui donna à manger. Cela faisait si longtemps qu’on ne s’était pas montré gentil avec elle. Et pourtant, la fée ne pouvait s’empêcher de craindre le pire, aussi, elle se montra très méfiante. Et se mit à dormir avec un couteau, celui qu’Elias lui avait offert pour ses dix ans, sous son oreiller. Elle savait parfaitement qu’ils allaient tout faire pour la retrouver. Surtout qu’en s’enfuyant, elle avait volé quelque chose de précieux au pirate qui lui avait dit être son père : la broche qu’il avait héritée de sa famille, le désignant comme capitaine du bateau. Une fois remise en état, sachant parfaitement que les pirates allaient la chercher dans cette ville, elle déplia enfin ses ailes en toute liberté, et prit le large. Et c’est ainsi qu’elle arriva à Rigwë. Ne sachant pas quoi faire, elle reprit l’activité, que la femme qui l’avait sauvé, lui avait apprise ; elle commença donc à vendre son corps, pour pouvoir mettre de l’argent de côté, préparant ainsi sa prochaine fuite, car elle savait parfaitement qu’elle ne pourrait rester ici pendant des mois.